Les élections générales et municipales s'approchant, on assiste à un phénomène de plus en plus courant dans la politique sénégalaise : l'élimination des rivaux du Président par la justice.

Le grand âge du Président Wade aidant, la question de sa succession est le point central du jeu politique. Le dauphin désigné porte le même nom que le président actuel, puisque c'est son fils, Karim.

Son statut de novice en politique ainsi que le fait du prince d'imposer sa progéniture comme héritier républicain conduisent néanmoins à une résistance au sein même du parti au pouvoir, le PDS.

C'est ainsi que le cercle des fidèles du Président se voit brisé morceau par morceau grâce à l'action de la justice. Cette technique mise au point lors de la dernière élection présidentielle fonctionne par étape :

- L'écartement d'une personnalité du pouvoir, soit en l'excluant du PDS, soit en le renvoyant de son poste (Premier Ministre ou Président de l'Assemblée).
- Du coup la personnalité en question fonde son propre parti et devient un opposant virulent de son ancien parti.
- Effet inverse : les proches du président serrent les coudes autour de lui pour ne pas avoir à vivre eux aussi cette exclusion.
- Les élections approchant, la justice ouvre opportunément une enquête de blanchiment d'argent afin de discréditer le nouvel opposant.
- A la veille de l'élection, il est écroué.
- Le PDS gagne les élections.

A cette technique s'est greffé un jeu machiavélique de la part du Président Wade que j'appellerais effet rétro. En effet, au fur et à mesure qu'il élimine ses proches, les rangs de l'opposition grossissent. Mais la parade est toute trouvée : après quelques années de purgatoire, le Président réintègre les déchus d'hier. C'est ainsi qu'Idrissa Seck, ancien Premier Ministre et homme clé du PDS qui a vécu toutes les étapes d'une chute programmée, finissant en prison la veille des élections présidentielles, s'est "réconcilié" avec le Président Wade.
Ses retrouvailles surprenantes ont eu un effet dévastateur : son nouveau parti implose vu que sa raison d'être était de s'opposer à Wade, les dirigeants du PDS éructent de ce retour en grâce d'un homme qu'ils avaient traîné dans la boue...

Bref, l'échiquier politique sénégalais subissant ces mouvements de balanciers entre disgrâce cruelle et retour en grâce, en passant par la case prison, Karim Wade peut continuer son chemin, dégagé par son président de père et se présenter à la mairie de Dakar.

Je vous propose pour conclure un lien vers les archives de l'INA sur le seul coup d'Etat qu'a subi la République Sénégalaise, en 1962. Coup d'Etat factice ayant servi de prétexte au président Senghor d'imposer un régime présidentiel.
La vidéo est intéressante à plus d'un titre :
- le paternalisme français autour de ce qui était deux ans auparavant sa colonie,
- la vision purement française de Dakar : une ville ensolleillée, colorée, où les anciens colons font du ski nautique,
- des anciennes images de Dakar,
- l'interview de Senghor ou comment faire croire qu'il a été obligé de s'accaparer tous les pouvoirs, et son machiavélisme envers son rival, Mamadou Dia (son premier ministre qui a tenté de sauver sa place, ce qui a été pris pour un coup d'Etat) : il exprime ses regrets de devoir l'interner dans une "prison dorée", l'île de Gorée. Machiavélisme car Mamadou Dia, l'homme de l'indépendance sénégalaise, sera enfermé plus de dix ans au fort de Kedougou, au fin fond du territoire sénégalais, à mille lieux de la douceur océanique de Gorée.

L'homme de la négritude, le poète lyrique, l'Académicien savait être aussi un homme de pouvoir inflexible, tant lors de ce "coup d'Etat" et de sa vengeance envers son compagnon Dia que pendant les événements de mai 1968 où les manifestations étudiantes furent durement réprimées.

La vidéo se trouve ici. Zappez l'interview un peu laborieuse de Lamine Gueye, pour aller à l'essentiel : les commentaires de la voix off et l'entretien avec Senghor.

A bientôt.

Politique Sénégalaise

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